MOVIES (FRANCE / BELGIUM) // "l'âme de fond" - lucas belvaux - 38 témoins - 2012


Préalablement à la vision du film de lucas belvaux, il faut avaler un clown, voire 2 ou 3, peut-être en réaction à tous ces films faisant de la pulsion de mort un spectacle de fascination morbide depuis plusieurs années ; laissant la forme prendre le pas sur le fond.

Ici, la forme devient tout d'abord paravent-triptyque de décoration.

Les protagonistes l'affichent à grand renfort de carreaux ; chemises à carreaux, écharpes à carreaux, décoration de l'appartement du couple-phare à carreaux, interrupteurs à carreaux.
Les carreaux des fenêtres, par lesquels filtreront deux projectiles en réaction à deux longs cris passés, les cris auxquels tout le monde a été sourd ; tous sauf une victime dont la survie aura duré une vingtaine de secondes.


(image non extraite du film)


Les carreaux et les panneaux.
Les panneaux de la porte sur lesquels "balance" est inscrit face au seul qui n'accepte plus le silence, les panneaux sur lesquels on empile les marchandises industrielles du port, legos formels multicolores repris sur une photographie dans l'appartement du couple.

Les fleurs, aussi.
Les chemises à fleurs sombres de deux protagonistes féminins, les fleurs de deuil blanches en opposition, les fleurs-hommage orange et blanches, le fleuriste sous les arcades.

Depuis le paravent-triptyque de décoration, la forme devient quaternaire, dans sa partie salissure à nettoyer.
Le sang de la victime visible sur plusieurs mètres, recouvert par le sable, puis des fleurs fanées ramassées par les éboueurs, balayées par le jet d'eau haute pression.


Le sujet du film, c'est l'aspect liquide de la lâcheté ; à se répandre ainsi dans la pulsion meurtrière assouvie et son spectacle, puis dans la grande majorité des interstices des relations de voisinage, de l'enquête policière, du relais judiciaire.

La lâcheté maladive du silence, et la recherche des ressources nécessaires pour passer outre. 
Un sujet moral, donc.


La capacité du cinéaste à faire du non-dit principal l'élément non essentiel étonne ; l'élucidation du meurtre restera un mystère accessoire, aucun voisin n'est suspecté malgré 37 faux témoignages.
Presqu'une incohérence.

C'est un film sur le tabou consistant à briser le lien à l'indifférence.

C'est également un film sur la perte définitive du lien à l'innocence ; c'est non seulement la victime qui décède, mais aussi l'innocence de l'ensemble des familles qui voulaient préserver leur tranquillité quel qu'en soit le prix.

Pour qui n'est que de passage, la proximité directe d'un fait divers ne saurait laisser de glace - même dans un havre de paix.


"38 témoins" bande annonce



CROCKERY (FRANCE) // "aux urnes spéciales fleurs, citoyens" / le garage de pierre blanc


Assez d'essais
(mururoa, fukushima, tchernobyle after style medical addict)
Assez "décès"(medical research against electrical death addict)

Sleep Power
(subliminal new age message)

website

MOVIES (CANADA) // "l'amore au trousseau" / guy maddin's keyhole



keyhole

Au-delà des U-lisses et des télémacrophages, Guy Maddin, esthète de génie, cultive la résolution psychiatrique d'une ère qui perd la notion du temps et de la mémoire.

Il interroge le lien en tant que pulsion de vie et de mort dans la psyché, en la renvoyant à l'histoire archétypale et mythique (Ulysse, Hyacinthe, Salomé) du point de vue de l'inconscient collectif.




Pour ce faire, il prend comme contexte a-culturel intemporel une demeure bourgeoise un peu isolée à l'heure de la prohibition, dont les vitres sont parfois cassées alors que les fenêtres présentent des planches clouées... 
Pour la protection d'un lieu sur lequel s'abat une pluie violente continuelle.

On progresse à l'intérieur, du bas vers le haut avec des passages vers le jardin central (lieu où les morts sont enterrés), jusqu'à ce que le glas sonne 7 heures.

7 heures pour le je(u) de cette famille.

ordonnance
pour obtention d'alcool durant la prohibition étasunienne
(images d'archive)
D'où l'interrogation constante sur les concepts vie / amour / mort, ordre / désordre, emprisonnement / libération, attachement / détachement, silence / révélation, génie / folie, ingénierie salvatrice / annihilatrice, santé / maladie physique ou mentale, psyché vivante / fantomatique, fantasme / réalité, temps / espace.

En effet, en regardant bien les dessous d'une dame ou le dessus d'une tapisserie, on se rend compte que la localisation est parfois étrangement moderne à côté de détails baroques liés à l'animalité.

Reproduction de buste de femme et d'homme XVIIIe, ours empaillé le couteau salvateur entre les dents (moment d'anthologie), jeux de l'enfant surdoué datés d'une époque révolue ou non encore annoncée, répondent au tic-tac de l'horloge surannée.

A ceci s'ajoutent les plans en couleur qui font leur apparition dans le parti-pris du noir et blanc.
Même les codes formels utilisés fusionnent.



- "Dans la famille U-lisse je voudrais la fille..." / "In U-turn family I ask for the daughter"
l'attachement mère-fille en tant que parure-bijou ; protection face au laisser à voir / ne pas laisser avoir.



- "Dans la famille U-lisse, je voudrais le père fou et tard..." / "In U-turn family I ask for the father"
Le père qui frappe et reste attaché à sa fille, permet à la fille de supporter la folie du mari en tentant de cloisonner les portes de la maison, l'une après l'autre.


- "Dans la famille U-lisse, je voudrais le silencieux..."
- "Oui, mais lequel ?"




- "Dans la famille U-lisse, je voudrais le médecin"
Pourquoi le médecin qui voit si bien la maladie ne voit-il pas l'organisation systémique qui la sous-tend ?


Peut-être car il s'en nourrit ?
Peut-être car il est soumis au même jeu de déconstruction du réel pour ne serait-ce que vivre ?

Comment faire intervenir la mémoire, afin qu'elle soit productrice de sens, dans quelle mesure l'absent doit-il vivre dans ou être évacué du souvenir d'un individu ?

Dans quelle mesure la présence / l'absence génèrent-elles la dialectique construction / destruction ?

"I'm only a ghost, but a ghost isn't nothing".

Est-ce une attitude sadique, despotique / aphasique voire schizophrène paranoïaque, soumise, psycho-rigide, inventive, superficielle, cancérigène, masturbatoire, auto-ludique ?
Est-ce une attitude meurtrière fantasmée ou réalisée ?
On ne saurait certifier.


Le film nous révèle que la seule personne qui a la clé est celle qui est aimée de l'inventeur.
Celle qui lui permet de jouer avec toutes les attitudes sans s'attacher.

C'est la part égocentrique et sincère du cinéaste, libératrice et aliénante en fonction de la lecture subjective du spectateur.



Une façon de dire "tu portes de moi non seulement mes névroses (psychoses ?), mais la succession de toutes celles de ma famille et de mon époque, voire de toutes les époques déformées et réassimilées, qui m'ont été transmises malgré ma volonté. Et puisque j'ai confiance, je te permets de t'en échapper, quitte à moi-même en rester prisonnier".

La vraie valeur du don.
Une lecture possible, parmi tant d'autres.

La liberté totale à l'interprétation est laissée au spectateur, à travers de nombreux niveaux de lecture cinématographiques, historiques, culturels, mythiques, symboliques, psychiques.

A voir et à revoir, donc.



"keyhole" trailer



"(...) Par moments, on se croirait dans une parodie de David Lynch faite par un étudiant en cinéma" Christophe Chabert - Le Petit Bulletin.

"Par môman, on se croirait dans une parodie de David Lynch faite par un étudiant en sin aima" ; traduction inconsciente du critique.